NOTES SUR LA FAMILLE PAYEN
RECUEILLIES EN 1936 PAR LÉON PAYEN
                                                         LYON 1946                                                     

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CITATIONS

Louis PAYEN. Sous-lieutenant au 359e Régiment d'infanterie
Chevalier de la Légion d'Honneur, Décoré de la Croix de Guerre

Citation à l'Ordre de l'Armée.
" Tous les officiers et la plupart des sous-officiers de sa compagnie ayant été frappés, a réussi à maintenir son unité sur la position conquise, malgré le feu croisé des mitrailleuses et un bombardement violent. "

Citation à l'Ordre du Corps d'Armée.
Officier très brave. Le 15 juin 1916, ayant eu deux commandants de compagnie blessés successivement, a pris le commandement de son unité et, par son calme et son énergie, l'a maintenue sous un feu des plus violents. "

Citation à l'Ordre de l'Armée.
" Officier d'une bravoure exemplaire, ayant donné maintes fois au cours de la campagne des preuves de son énergie et de son ardeur au combat. Exemple vivant des vertus guerrières. Tombé glorieusement le 17 juin 1916, à la Côte 321, devant Verdun. "

Pierre PAYEN. Sergent au 140 Régiment d'Infanterie
Décoré de la Médaille Militaire et de la Croix de Guerre

Citation à l'Ordre de l'Armée.
" Très brave sous-officier, belle conduite au feu. Tombé glorieusement pour la France, le 18 août 1916, devant Verdun, au cours d'une attaque des positions ennemies.

Adrien, baron de THOISY. Capitaine au 18 Régiment de Chasseurs à Cheval Chevalier de la Légion d'Honneur, Décoré de la Croix de Guerre

Citation à l'Ordre de l'Armée.

S'est jeté à la tête de sa compagnie à l'assaut d'un village qu'il a emporté dans un élan irrésistible. A été tué en disputant sa conquête à une contre-attaque.

Pour garder la mémoire de ceux des nôtres morts pour la France.

Arsène PAYEN, tué aux lignes de Wissembourg le 13 octobre 1793.
Charles PAYEN, tué à l'attaque du Bourget le 21 décembre 1870.
Louis PAYEN, tué devant Verdun le 17 juin 1916.
Pierre PAYEN, tué devant Verdun le 18 août 1916.
Adrien de THOIZY, tué à Dammard le 2 juin 1918.
Alfred d'EYSSAUTIER, mort des suites de ses blessures le 2 décembre 1919.
Marc PAYEN, tué à Ferdrupt le 6 novembre 1944.
Louis PAYEN, tué à Pforzheim le 30 novembre 1944.
Pour transmettre à nos enfants les traditions familiales de foi et d'honneur léguées par nos grands-parents.
Pour resserrer les liens d'affection des nombreux descendants de Louis Payen. Juin 1946. Alfred d' EYSSAUTIER, Lieutenant au 297° Régiment d'infanterie décoré de la Croix de Guerre, Citation à l'Ordre de la Brigade

Officier admirable de sang-froid et d'énergie. Sur de front depuis le début, a participé à tous les engagements à la tête d'une compagnie de mitrailleuses qu'il a commandée avec compétence et autorité. Blessé grièvement à Verdun.
Marc PAYEN. Sergent au 4° Régiment de Tirailleurs Tunisiens
Décoré de la Médaille Militaire et de la Croix de Guerre
Citation à l'Ordre du Régiment.
Sous-officier aux solides vertus morales. Sous-officier adjoint d'une section de F. V. a très utilement secondé son chef de section. A Pont-de-Roide, le 12 septembre 1944, s'est particulièrement distingué lors des opérations de nettoyage de la ville. A capturé plusieurs prisonniers.
Citation à l'Ordre de la Division.
Jeune sous-officier plein d'audace et d'allant. A superbement enlevé son groupe lors de l'assaut de Castelforte, le 12 mai 1944. Puis a participé efficacement au nettoyage de la localité, capturant 12 prisonniers et plusieurs armes automatiques. Blessé, ne s'est laissé évacuer que le lendemain, le nettoyage terminé. "
Citation à l'Ordre de l'Armée.
" Jeune sous-officier ayant fait preuve des plus belles qualités de courage, de dévouement et de mépris du danger. D'une haute moralité et d'un désintéressement absolu, était toujours volontaire pour les missions les p1us périlleuses. Glorieusement tué le 6 octobre 1944, face à l'ennemi, à Ferdrupt. En tête de son groupe qu'il conduisait à l'attaque de casemates ennemies. Déjà cité et blessé.

Louis PAYEN. Chargé de mission au S. R. Alliance
Proposé pour la Médaille Militaire

Candidat à Sait-Cyr, n'acceptant pas l'humiliation de la défaite, est entré en janvier 1943 au S. R. Alliance pour y participer au combat de la délivrance. D'une élévation morale remarquable pour son âge, d'un courage à toute épreuve, a fait I admiration de ses camarades au cours des missions de liaison et de sécurité qui lui ont été confiées. Arrêté par la Gestapo le 11 juin 1943, au cours d'une mission de transport d'armes et de matériel d'émission, a été massacré à Pforzheim, le 30 novembre 1944, après 17 mois de cellules et de mauvais traitements.
Est de ceux qui, tout jeunes, ont su montrer la route de l'honneur et préparer celle de la victoire. "


NOTES SUR LA FAMILLE PAYEN RECUEILLIES en 1936 par Léon PAYEN

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Mon frère OCTAVE a fait sur notre famille un travail très complet. C'est à lui qu'il faudra toujours se reporter pour les développements de la généalogie. Mais, à l'aide des documents qu'il avait classés avec une patience admirable, à l'aide aussi des souvenirs que je reste le seul à avoir aujourd'hui, j'ai pensé à illustrer cette généalogie par quelques détails sur les différents terrains où se sont développées les racines de l'arbre aux innombrables branches qu'est devenue notre famille.


FAMILLE PAYEN
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Les PAYEN sont originaires de Paris. Au début du XVIII° siècle existaient à Paris deux frères Payen: Claude et François, l'un et l'autre bourgeois de Paris.
CLAUDE épousa une demoiselle Fausset de Nanteuil ; il eut dans ses descendants le fameux chimiste, Anselme Payen, de l'institut. Nous n 'avons pas gardé de relations avec cette branche de notre famille. Pourtant, à l'occasion d'un récent mariage, une dame Payen de MONTOROY a renoué connaissance avec ma cousine Rosset-Payen ; elle habite à Paris rue du Commandant-Guilbaud, 16, et a donné des détails sur sa filiation depuis Claude Payen.
FRANÇOIS épousa, vers 1725, Marguerite HUBAULT, d'une famille de bourgeois de Paris ; il exerçait la profession de marchand de soyes; il eut deux fils, François et Jean-François ; François est le chef de la branche des Alphonse Payen, dont l'un des fils, Louis, a épousé en 1876 Gabrielle, fille de mon oncle Charles Payen.

JEAN-FRANÇOIS, né en 1728, est le chef de notre famille. François et Jean-François épousèrent l'un et l'autre deux demoiselles PALYART, d'Amiens, filles d'Honoré PALYART, écuyer, conseiller, secrétaire du Roy Maison Couronne de France près le Parlement de Flandre et de Jeanne CATTU. On sait que la charge de secrétaire du Roy conférait la noblesse. Le contrat de mariage est signé en janvier 1761 en présence d'une soixantaine de parents et d'amis, la dot de la future est de 33.000 L. plus un douaire de 10.000 L. Les apports du futur sont de 60.000 L.
Jean-François PAYEN habite alors à Lyon, il est associé, sous la raison sociale Payen Frères, avec son frère François qui, lui, habite Paris, rue Saint-Denis, paroisse Saint-Eustache; ils sont dénommés comme leur père, marchands de soye. Il semble résulter de la résidence des deux frères, l'un à Lyon, l'autre à Paris, que leur profession était celle de commissionnaires en soieries, achetant à Lyon des tissus dont la maison de vente principale était à Paris.
Jean-François PAYEN et sa femme, Catherine PALYART, se fixent à Paris rue Tiquetonne, paroisse Saint-Eustache.
Suivant une habitude assez fréquente à cette époque, Jean-François ajoute à son nom celui de d'Orville ; c'est sous le nom de Payen d'Orville qu'il figure dans le partage des biens de son beau-père Alexis Honoré PALYART.
En 1787, à la suite de revers de fortune, les deux frères se séparèrent, ruinés tous les deux ; Français conserve ce qui restait du commerce; quant à Jean-François, il trouve une situation qui semble bien modeste, celle de Receveur du Timbre extraordinaire à Mende. Dans Une lettre postérieure, 16 floréal an. 6, adressée à un de ses amis, Jean-François Payen dit : " Vous verrez que nous avons eu le malheur de faire mal nos affaires et que nous nous sommes retirés avec bien peu de choses qui ne fait pas le montant de la dot de ma femme. Nous avons abandonné tout le reste à nos créanciers. C'est le chagrin qui a fait périr mon frère. Pour moi, j 'ai pris le dessus et mieux aimé prendre un emploi pour pouvoir vivre et n'être à la charge de personne ".
Alors commence la dernière et bien pénible période de sa vie. Sa correspondance avec les hommes de loi auxquels il avait souvent recours pour de nombreux procès, notamment avec sa belle-sœur, certaines lettres, à son sujet, de son beau-frère PALYART, chanoine honoraire de Paris, montrent un caractère aigri et difficile.
Voici le passage d'une lettre à son fils Jean, habitant Lyon, qui dénote une réelle mésentente entre et le père et le fils :
Mende, 4 des jours complémentaires an 8 : Je suis charmé que vous songiez à économiser; je sacrifierai toujours ma satisfaction à votre avancement. Vous auriez bien fait de prendre ce parti un peu plus tôt. Je ne suis pas du tout surpris du tour que vous joue votre associé; vous savez maintenant que l'intérêt est 'e grand mobile de toutes les actions ; vous présumiez aussi un peu trop en votre faveur ; je suis charmé que cela vous ait ouvert les yeux. Je vous fais mon compliment sur le grand crédit dont vous jouissez. Vous vous moquez de moi, de m'envoyer une circulaire en allemand, c'est bien assez du français et à mon âge je ne chercherai pas à apprendre d'autre langue que la mienne, heureux si je puis toujours la parler correctement... Soyez toujours persuadé de mon amitié dont vous recevrez toujours des témoignages lorsque vous agirez envers moi comme vous le devez. Je vous embrasse et je suis votre père. "
Sa femme, Catherine Palyart, meurt en 1800, en recommandant son mari à ses enfants. Celui-ci pourtant se remarie un an après à l'âge de 73 ans, à une veuve Brunet, qui en avait 39 et qui semble de très basse origine ; il meurt en 1804.
Quatre enfants étaient issus du mariage de Jean-François Payen et de Catherine PALYART:
Jean, Arsène, Ambroise et Auguste.

ARSENE est tué aux lignes de Wissembourg le 13 octobre 1793.
AMBROISE, employé à la Trésorerie de Montbrison, meurt célibataire.
AUGUSTE, qui avait suivi ses parents à Mende, épouse Jeanne Nègre, vit dans le domaine de Pont-route et meurt sans postérité.
Jean PAYEN, né en 1761, habitait depuis 1783 à Lyon où il avait été attiré par un parent de sa mère, PALYART de l'Epinois, qui y était installé et était dans le commerce.
En 1783, Jean Payen était dans la maison Mas important fabricant. En 1793, il était associé à Maupetit pour un commerce de commissionnaire en soieries et voyait très intimément une famille Ménard ; M. Palyart de I'Epinois, M. Legendre et M. Laurent Ré- carnier avaient épousé trois demoiselles Ménard d'une très bonne famille lyonnaise. Le petit Payen (il avait une taille minuscule) était très fréquemment reçu dans ces trois familles. Mon père racontait même qu'après le siège de Lyon il avait voulu se réfugier à Saint-Rambert dans la maison de campagne de M. Ménard et celui-ci, obligé d'y loger Dubois de Crancé, l'avait présenté comme un cousin de province. Et ce sont ces excellentes relations avec cette famille qui lui donnèrent l'idée de demander en 1802 la main de Mademoiselle Louise Delphin, nièce de Madame Laurent Récamier-Ménard.
Il avait 41 ans et sa future 21, voici en quels termes Louise Delphin annonce à son oncle Laurent Récamier ses fiançailles avec
Jean Payen : J 'aurais eu bien de la peine à l'épouser ne le connaissant pas, mais d'après la confiance que me parents ont en M. Ménard qui a eu la bonté de prendre toutes les précautions nécessaires pour s'assurer que M. Payen avait toutes les qualités propres à faire mon bonheur, je m'en suis rapportée à eux, persuadée que je ne peux mieux faire que de m'abandonner à leur décision.

Le mariage fut célébré en Messidor an 10, le contrat passé chez Me Fromental stipule une dote de 21.800 francs pour Louise Delphin. Signaient au contrat, outre les deux futurs : Antoine Delphin. Delphin, née Récamier, J.-B. Ménard, Nicolas Delphin. Emeraude Delphin, Vve Legendre née Ménard et J.-B. l'Espinois.

La vie du jeune ménage semble d'abord facile; l'hiver ils habitaient Lyon, quai Saint-Clair, et en été une petite maison qu'ils louaient à Saint-Rambert ; c'est là que mon père, qui avait pris à bail avec quelques amis la pêche sur la Saône de Neuville au confluent, se livrait à son plaisir favori de la pêche au grand filet. Leurs relations furent celles de la famille Delphin et ce sont les noms de : Ménard, Legendre, Milanais, Récamier, Desgeorges que l'on trouve dans les lettres qui nous sont parvenues.
Sept enfants naquirent de ce mariage:

Jean, 1803-1856, part pour le Vénézuela, associé de M. Reynard, frère de Mme Fournereau de Mornand, s'y marie et meurt en laissant trois enfants (lettre de M. Reynard, de mai 1856). Pas de nouvelles depuis.

Louis, 1805-1893, mon père, épouse en 1838 Delphine Bel- mont, fille de Nicolas Belmont et de Anne-Marie Terret.

Charles, 1816-1910, épouse en 1849 Emilie Roussel, fille du Docteur Roussel et de Claire Saint-Olive : 8 enfants.

Gaston, 1851-1902, époux de Blanche Marrel, d'où :
Maurice, mort pour la France en 1914.
Gabrielle, épouse de Fernand Germain.
Henriette, épouse de Jacques Bellon.
Marie, épouse de Hector Lefuel.

Marie, 1856-1878, épouse de Charles Guérin, d'où:
Henri, époux de Marie de Longchamp.

Louis, 1852-1924.

Claire, 1853-1864.

Jean PAYEN ............Louise PAYEN
Jean PAYEN ............Louise PAYEN, née Delphin
1781- 1864 .............1761 -1846


Louis PAYEN et Delphine PAYEN

Louis PAYEN.........Delphine PAYEN, née Delphin
1805 -1893.........................1816-1884

GABRIELLE, 1857-1924, épouse de Louis Payen, de Paris, d'où:
Marie, épouse du Comte de Brie.
Yvonne, épouse du Comte de Salverte.
Lucienne, épouse du Marquis du Crozet.

Gaétan, 1860-1927, époux de Thérèse Colongeat, d'où :
Hugues, époux de Yvonne Barjel.
René, célibataire.
Hélène, épouse de Jean Saint-Olive.
Odette, épouse de Régis Chomel de Varagne.
Robert, 1863, époux de Ida Fayet, d'où trois fils et une fille mariée a Ennemond Condamin.
Alice, 1869, épouse de Albert Rosset, d'où: une fille adoptive, Risette, mariée à Emile Sabran.

Emma, 1807-1893, épouse en 1826 Balthazar Puy : une fille adoptive Marie, épouse de son cousin Paul Duringe, d'où :
Alfred, époux de Suzanne Blanchet, d'où :
Colette, mariée au Baron Guy de Collongue.
René époux de Henriette Segond, sans postérité.
Louise, épouse de Henri Salveton.

Amélie, 1810-1889, célibataire.

Alexandrine, 1813-1902, religieuse de St-Vincent-de-Paul.

Gaétane, 1817-1899, religieuse de St-Vincent-de-Paul.

A noter la prodigieuse longévité des six enfants restés en France dont l'âge moyen atteint 85 ans.
D'après sa correspondance, ma grand'mère, Louise PAYEN, née DELPHIN, était d'un caractère enjoué et aimable ; de plus la forte éducation qu'elle avait reçue de sa mère, Eléonore Delphin-Récamier, l'avait imprégnée d'une foi très profonde et ce sont ces sentiments qui l'aideront à supporter les épreuves qui ne lui ont pas manqué au cours de sa longue existence.


Jean PAYEN, mon grand-père, avait ce qu'on appelle un caractère heureux ; mon père nous disait que Ses malheurs n'avaient en rien diminue sa bonne humeur. D'après une lettre de son beau-frère, Philibert Delphin, il était même fort léger dans la conduite de ses affaires qui s'étendaient à la Russie, à l'Allemagne et à l'Espagne. Déjà, en 1812, il avait éprouvé en Russie de grosses pertes. Puis les enfants lui arrivèrent nombreux et, trouvant insuffisantes les ressources que lui donnait son commerce de commissionnaire en soieries, il voulut les augmenter en liant ses intérêts à ceux d'un entrepreneur nommé Jacquemot qui construisait des maisons pensant les vendre ensuite avec bénéfice. Jean Payen eut l'imprudence de garantir les sommes prêtées à ce Jacquemot dont les entreprises finirent lamentablement et qui entraîna dans sa chute celui qui lui avait prêté sa signature.
Ceci se passait en 1827. Une lettre de 1835 de ma grand-mère à son cousin, David de Bordeaux, montre l'énergie avec laquelle toute la famille avait réagi pour relever les ruines et sauver l'honneur de la Maison. En voici les principaux passages : " Tu as toujours été si obligeant pour moi et les miens que je ne crains pas, mon cher David, de venir te demander un nouveau témoignage de ton amitié, tu y as pris part; je ne te retracerai donc point tout ce que ma position a eu de pénible pendant quelques années; ce triste souvenir s'efface peu à peu par le bonheur et les consolations que je trouve dans ce qui m'entoure : les enfants ont compris notre situation ; tous mus par la même pensée ont cherché dans le travail, et les moyens d'adoucir notre sort et la faculté d'acquitter les engagements de leur père. Mes filles ont élevé chez moi un atelier de broderies et de découpage, mon fils Louis, qui a succédé au commerce de son père a redoublé de zèle et d'activité. La Providence a béni les travaux de ces chers enfants et déjà, ils ont pu satisfaire la majeure partie des u créanciers. Nous devons encore à quatre personnes; comme tu es au nombre de Ces quatre amis, je viens aussi te faire ma confidence et te demander pour le prochain établissement de Louis un important service, Il serait nécessaire que ceux à qui nous devons voulussent bien s'en rapporter à notre loyauté et qu'ils consentissent à nous donner dès à présent quittance finale, conservant l'assurance qu'à nos yeux cette dette n en serait que plus sacrée. J'ai déjà obtenu cette faveur des trois autres créanciers, il ne reste plus que toi. J'ai espéré, mon cher David, que tu ne me refuserais pas cette preuve de confiance et d'amitié. Louis est aujourd'hui notre appui à tous ; à l'âge de mon mari, les infirmités qui arrivent me font vivement désirer de voir Louis établi ; alors je serais sans inquiétude sur l'avenir de mes filles, ce mariage ferait le bonheur de tous et il me serait doublement précieux si je le devais à ta bonne amitié.

Nous voyons, par cette lettre, le courage avec lequel notre grand-mère avait, aidée de ses enfants, fait face à la situation pénible causée par la ruine de son mari. Les lettres que lui adressaient ses enfants, son fils Charles en particulier qui était fixé au loin et qui n'avait pourtant rien d'une sensitive, dénotent l'affection qu'elle avait su leur inspirer et l'influence qu'elle avait sur eux.

Voici des extraits de deux lettres qui montrent une autre face de son caractère : Juin 1849, " tu auras vu par les gazettes tout ce qui est arrivé à la Croix-Rousse, donc je ne t'en parlerai pas, à Ecully nous avons eu des cuirassiers, des dragons, des hussards, c'étaient de si beaux hommes, il y avait de quoi perdre la raison. Heureusement que le second jour ils ont été obligés de partir. J'en ai rendu mille actions de grâce à la divine Providence.

12 juillet 1857 : Voici les bulletins de tes enfants. Que vous êtes heureux, mes bons amis, d'avoir des enfants si bons et
si affectueux, rendons-en grâce à Dieu, mes bons enfants, lui qui est le Maître de tout.

Quelque temps avant cette date (1835), mon oncle Charles Payen avait été retiré du collège de Monistrol où il achevait ses études sous les Pères de la Foi et embarqué pour New-York où il entrait chez le correspondant de son beau-frère Puy, M. Calmart.
Une société, sous la raison sociale L. Payen & C0, fut fondée en 1839 avec M. Christophe Puy, frère de mon oncle, qui s'en retira peu de temps après, mon père, qui s'occupait des affaires à Lyon et mon Oncle Charles, qui était fixé à New-York. Mon Oncle Puy restait en qualité de commanditaire. C'est cette société qui acheva d'acquitter les dettes du grand' père, mort en 1846.
Ma grand-mère devint donc, ce que du reste elle était depuis longtemps déjà, le chef aimé et respecté de la famille.
La Providence semble avoir béni les efforts si méritoires de tous; les affaires devinrent prospères, elles se développèrent en Amérique où Charles Payen, par la droiture et l'aménité de son caractère, se créa de nombreuses relations.
En 1835, mon père, dont les qualités d'honnêteté et de travail étaient très appréciées, épousa Delphine Belmont, fille d'un important fabricant de soieries, Nicolas Belmont et de Anne Terret. Dans ces deux familles encore, les sentiments religieux primaient tous les autres. Nicolas Belmont, d'origine modeste, avait succédé à son beau-père, Charles Terret, important fabricant lyonnais.

Louis PAYEN, mon père, naquit le 5 novembre 1805, il fit ses études dans le pensionnat de M. de Borne, puis entra dans la maison de son père dont, après la ruine de celui-ci, il continua les affaires jusqu' en 1839, date de la fondation de la maison
L. Payen & C°. Elevé par une mère comme Louise Payen Delphin dont j'ai déjà parlé et par Une grand'mère comme Eléonore Delphin-Récamier dont je parlerai plus loin, mon père ne pouvait qu'être imbu des principes solides qu'il ne cessa d'appliquer pendant toute sa vie. Il dut, des sa jeunesse (a la ruine de son père il n'avait que 21 ans) s'habituer à ne considérer que le cote sérieux de la vie ; il nous disait qu' il s'était toujours interdit d'aller au théâtre, et son temps se passait entre sa famille, ses affaires et les pratiques religieuses. Il avait hérité de son père et de sa mère un caractère Se prêtant aisément aux circonstances de la vie, d'autre part, assez aventureux en affaires, du reste, sous des dehors un peu froids, très bon et très généreux.
Ma mère, élevée en grande partie par la seconde femme de Nicolas Belmont, née Soret-Aynard, avait une santé délicate que la naissance de neuf enfants n'avait pas contribué à fortifier. Elle avait une exquise sensibilité et un total oubli d'elle-même ; modeste et parfaitement bonne, elle sut prendre sur tous ses enfants une extraordinaire influence due, non pas à d'exceptionnelles qualités intellectuelles ou mondaines, mais a cette atmosphère d'affection et de communicative bonté qu'elle savait créer autour d'elle et à cette grâce dans I accueil qui rendaient si agréables les visites que nous lui faisions.
J'ai tenu, dans cette notice, à mettre en valeur les physionomies de ces mères et de ces grand'mères qui nous ont formés pour encourager celles qui me liront ; car ce sont elles, bien plus que nous autres hommes, qui peuvent remplir ce grand rôle de pétrisseuses de l'âme et du cœur de leurs enfants et les attacher à leur foyer.
Le mariage de mon père et de ma mère fut célébré en 1838 et le contrat passé chez Me Ducruet. Ma mère recevait en dot une somme de 50.000 frs ; à la mort de son père et de son frère, Alphée, elle hérite au total de 450.000 francs.
Mes parents habitèrent d'abord rue Royale, puis quai Saint- Clair, 2, où je suis né.


Les enfants arrivèrent nombreux.

Edouard, en 1839, mort à quelques mois.
Louise, 1841-1920, épouse de Cyrille Cottin, 1838-1905.
Zoé, 1843-1915, epouse de Claude Gindre, 1849-1898.
Edouard, 1844-1926, époux de Fanny Tresca, 1853-1919.
Ennemond, 1845-1896, époux de Isabelle Coste, 1857-1937.
Charles, 1847-1870, tué à l'attaque du Bourget, 21 décembre 1870.
Aucustin, 1848- 18J, époux de Marie Sabran, 1856-1917.
Octave, 1853-1929, époux de Marie-Louise Sauzey, 1861-
1938.
Léon, 1856-(1945), époux de Françoise Chardiny, 1861-1928.

Vers 1840, mes parents louent une petite propriété à Ecully,près de celle qu'habitait depuis quelque temps déjà mon grand-père Belmont ( La Lorraine ", appartenant actuellement à Mme Gaëtan Payen) ; mon frère Edouard y est né ; ils y restent jusqu'en 1860 et vont habiter la belle propriété acquise en 1857 des héritiers Jars. Cette terre, dite " terre de l'abondance ", de 13 hectares, ayant coûté 100.000 francs, était un vaste champ où on faisait la grosse culture. Les bâtiments de ferme étaient aménagés dans le vieux manoir de la Grézolière situé près du ruisseau de Malrocher qui avait appartenu successivement aux familles de Férus, Masso de la Ferrière, Baréty et Jars.
Attenant au Vieux manoir un jardin à la Française avait existé, dont il ne restait plus qu'une grotte revêtue de coquillages nacres et surmontée d'une statue de Diane chasseresse. Dans notre enfance, cet âge est sans pitié, notre grand plaisir était de détacher les coquilles pour en prendre la nacre et de bombarder à coups de pierres la déesse dont il ne reste plus guère que le code, le buste et le carquois.

Mon père conserva en cultures dépendant de la ferme la moitié de la terre et planta le reste en jardin d'agrément; les arbres poussèrent avec une rapidité et une vigueur qui font que cet immense champ nu est actuellement un vaste bosquet un peu trop touffu pour les rhumatismes de ses habitants. Il fit bâtir une très vaste habitation avec deux avant-corps, deux tourelles, des serres et de grandes dépendances, écuries, remises et maison de jardiniers, et hélas, d'immenses murs de trois mètres de hauteur, semblables du reste à ceux des autres grandes propriétés d 'Ecully, mais peu esthétiques pour les simples promeneurs.
Cette acquisition, dont mes parents jouirent pendant vingt ou trente années, a fait leur bonheur et celui de leurs enfants; car elle devint le centre de la famille, heureuse de s'y grouper au tour d'eux. Ma sœur, Louise, mariée en 1863 à Cyrille Cottin,
habitait Une petite maison transformée en chalet qui devint plus tard la propriété de mon frère Octave. En 1881, les Cottin achètent aux héritiers Janoray une terre de 5 hectares séparée seulement par le chemin du Trouillat et y font bâtir un somptueux château gothique où ils s'installent avec leur nombreuse famille. En 1887, mon beau-frère GINDRE acquiert la propriété Perret de 8 hectares mitoyenne à la nôtre et y fait construire une très belle habitation de style italien. Une petite maison très pittoresque avait été bâtie dans l'angle sud-ouest de la propriété pour mon frère Ennemond. En sorte que, à la mort de mon père, en 1893, lui et ses enfants occupaient près de 30 hectares autour de la grande maison bâtie en 1857.
Maintenant quelques détails sur chacun des membres de nia famille dont je suis le seul survivant.
Mes sœurs, Louise et Zoé, nées en 1841 et 18.43 furent élevées ensemble et leur éducation fut confiée à des institutrices ; elles restèrent très liées jusqu'à leur mort et jamais un nuage ne vint diminuer leur intimité. Louise, d'un caractère aimable et même un tantinet poétique, était profondément bonne, comme sa sœur, mais elle avait moins qu'elle la conception pratique des choses.

Louise COTTIN et Cyrille COTTIN
Louise COTTIN, née PAYEN ......Cyrille COTTIN
.......1841-1920 ........................1838-1905


Zoé GINDRE et Claude GINDRE
Zoé GINDRE, née PAYEN .......Claude GINDRE .......
1843-1915
...................... 1841-1898

Elle épousa en 1863 Cyrille Cottin, de trois ans seulement plus âgé qu'elle, qui était dans la maison de son grand-père, C.-J. Bonnet.
Fondateur d'une des plus grandes fabriques de soieries, C.-J. BONNET avait, l'un des premiers en France, installé au début du XIX siècle, dans son pays natal de Jujurieux, une très importante usine de filature, moulinage et tissage de soie, sur la porte de laquelle il avait fait graver ce verset de l'Evangile :
Cherchez d' abord le royaume de Dieu et sa justice, etc... ". C'est dire dans quels principes Cyrille Cottin avait été élevé. Fidele a cette belle maxime, et doué d'un caractère très facile et très généreux, il a passé sa vie à allier la pratique de la plus large bienfaisance à la conduite de ses affaires et de sa famille;
Ce qu'a été l'existence de cet excellent ménage, ce qu'a été à tous deux leur bonté rayonnante, j'en ai été le témoin et souvent l'heureux bénéficiaire. La fortune leur arriva rapidement et ils en profitèrent abondamment : l'acquisition de leurs différentes propriétés : le Vivier à Ecully, Sénèche à Jujurieux, Maillat, leur très large train de vie le prouvent. Mais il fallait qu'ils en fissent profiter tout leur entourage et c'était pour eux une véritable satisfaction de répandre le bonheur autour d'eux. Pendant de longues années, de 1864 à 1881, nous vécûmes ensemble à Ecully, eux dans le châlet qu'ils avaient fait aménager, mes frères et moi dans la grande maison de mes parents; bien des choses étaient communes, notamment les écuries où leurs nombreux chevaux étaient mélangés avec ceux de mes frères et le mien; jamais, dans cette sorte d'indivision, aucun nuage ne s'est élevé.

Ma sœur Zoé épousa à 23 ans en 1866 Claude Gindre, de 2 ans plus âgé qu'elle. Fabricant de soieries, d'une rare intelligence et excellent homme d'affaires, il développa rapidement la maison d'importance moyenne que lui avait laissée son père à tel point qu' il en fit une des premières de Lyon et que, 4 ans après son mariage, au printemps 1870, il pouvait distraire de son commerce une somme, je crois de 800.000 francs qu'il employa à l 'achat de sa belle propriété de Laverdine, 800 hectares qui est encore en la possession de son file Henri.
Malheureusement, sa santé moins florissante que celle de son beau-frère Cottin, les maux d'estomac et les Insomnies dont il souffrait influaient sur son caractère et il en avait du reste conscience ; je me rappelle une circonstance tout à son éloge qui montre combien il voulait réagir contre les mouvements de son humeur. Après la mort de mon père, lorsque nous étions tous réunis pour prendre connaissance de son testament, il eut l'initiative de demander à tous de prendre l'engagement d'honneur de l'exécuter en tous points. Ce testament, du reste, n'avait rien que de très normal et mon père y avait poussé à l'extrême les idées de justice qui étaient en lui.

Claude Gindre avait une très grande considération pour ma sœur qui était la bonté même et avait, quoique avec une trop grande modestie, un grand jugement, elle a survécu 17 ans à son mari.

Ma sœur Zoé, qui était ma marraine, a toujours été excellente pour nous. Pendant une période assez triste de notre vie, alors que ma femme et moi, dans un état de santé bien précaire, étions allés passer notre hiver à Cannes, elle quitta sa nombreuse famille dans le seul but de venir se rendre compte par el1e-même de ce que nous devenions.
Mon frère EDOUARD, né en 1844, fut élevé dans l'institution des Minimes à Lyon où il fit brillamment ses études; en 1862, il alla passer quelques mois en Angleterre, puis dans la fabrique de M. Claude-Joseph Bonnet, grand-père de notre beau-frère Cottin, il entra ensuite dans la Maison Louis Payen & C° dont les chefs étaient mon père et mes oncles, Charles Payen et Balthazar Puy.

Depuis longtemps déjà, les affaires d'Amérique avaient beaucoup diminué, la guerre de Sécession les avait rendues beaucoup plus difficiles et mon oncle, Charles Payen, avait quitté New York où nous n'avions gardé que des correspondants dont le plus important était James Mac Crery. L'idée vint donc, pour utiliser les nombreuses relations que la maison avait à Lyon, au lieu d'acheter les tissus aux fabricants, de leur vendre les soies pour leur approvisionnement, et, pour cela, de créer des comptoirs d'achats à l'étranger. La production des soies de France et d'Italie étant handicapée par la maladie des vers à soie que Pasteur ne devait arriver à vaincre que plus tard ; il fallait donc en chercher ailleurs, en Asie où les Indes et la Chine en produisaient de larges quantités. Avec le caractère entreprenant de mon père et de mes oncles, ils n'hésitèrent pas à engager, vers 1855 , un jeune homme de Lyon, M. Joseph Perrin, avec l'intention de fonder en Chine un comptoir d'achats. M. Perrin devait, sur sa route, s'arrêter aux environs de Calcutta, au Bengale, centre important de production, pour relancer un de leurs correspondants qui, nanti de sommes importantes, tardait de leur envoyer les sois qu'il avait mission d'acheter.
Cet excellent M. Perrin, voyant que son séjour au Bengale serait plus long qu'il n'avait prévu, eut l'idée de l'utiliser pour faire un essai de filature de soie, industrie très répandue dans le pays; il loua donc une petite usine et ce fut la naissance du " concern ", très important installé là-bas sous la direction d'abord de M. Perrin, puis de M. Gallois et Gourju, et qui comprenait en 1900, 18 filatures. Mon frère, Edouard, qui connaissait l'anglais, était tout désigné pour aller se rendre compte par lui-même de ce que devenait cette grosse installation du Bengale, et, en octobre 1869, il partit pour Berhampore, centre de l'affaire, et n'en revint qu'en 1872. Il s'était créé là-bas de très bonnes relations et de très fidèles amitiés et il est regrettable que ce voyage ne se soit pas renouvelé.
D'autres filatures furent par la suite installées en France, en Espagne, en Italie ; en sorte que la maison Payen était la plus importante, au moins en Europe, des firmes productrices de soie; mais cela est une autre affaire.
En 1874, à l'âge de 30 ans, mon frère Edouard épousa Fanny Tresca, fille de M. Jules Tresca et de Marçuerite Chardiny, l'un et l'autre issus d'excellentes et vieilles familles lyonnaises. De ce parfait ménage naquirent huit enfants, dont les soins et l'éducation furent pour lui la principale préoccupation.
Plus que personne j'ai pu apprécier le caractère de mon frère Edouard. Pendant 50 ans, j'ai travaillé à ses côtés et pendant tout ce temps, j'ai été édifié par les magnifiques exemples qu'il m'a donnés. D'autres: au moment de sa mort, ont parlé des grandes œuvres qu'il a faites, de cette activité et de cette intelligence qu'il a toute sa vie mises au service du bien. Mais il est un côté de son caractère que j'ai été plus qu'un autre à même de constater, C'est ce besoin physique de rendre service. Il suffisait que quelqu'un s'adressât à lui pour qu'il se mit à sa disposition ; on pense alors e il avait de nombreux clients qui n'étaient pas tous absolument intére8sants, mais qui lui devenaient sacrés du jour qu'ils avaient eu recours a lui; d un désintéressement absolu, si rare dans les milieux d'hommes d'affaires, il ne voyait dans la vie que le côté élevé et l'idéal à atteindre, et repoussait les honneurs qu'on lui proposait. C'est ainsi qu'il refusa d'être proposé pour la Légion d 'Honneur et pour la Vice-présidence de la Chambre de Commerce, se contentant de la Croix de St.-Grégoire, que les services rendus aux grandes œuvres de Lyon ne lui permettaient pas de décliner.
Parmi les nombreux articles parus sur lui, je tiens à citer un passage de l'éloge prononcé par le bâtonnier Jacquier dans l'un des nombreux conseils charitables dont il faisait partie :
" Par ses remarquables aptitudes, la droiture de son jugement, sa haute loyauté, Edouard Payen eût vite fait de conquérir l'estime et la confiance de ceux-là même que leurs opinions éloignaient des siennes, mais que subjuguaient le charme de son commerce et son inépuisable bonté. On a eu un éclatant témoignage le jour de ses funérailles qui prirent les proportions d'un deuil public et où dans l'église trop étroite, sous la présidence de son Eminence, la ville entière, se joignant a sa chère population d Ecully, marqua par son affluence et son recueillement l'estime en laquelle était tenu par tous celui que malgré son âge on ne se résignait pas à voir disparaitre...
" Infatigable ouvrier comme il l'a été sur la colline du travail, notre ami le voulut être et le fut sur celle de la prière... Aussi lorsque en reconnaissance de la protection dont en 1870 elle avait été I objet, la piète lyonnaise décida d enger la basilique qui aujourd'hui couronne ses jardins, Edouard Payen fut comme naturellement appelé à faire, partie puis à présider la Commission qui avait pris la responsabilité de mener a bien cette grandiose entreprise. Il fut un des grands ouvriers de l'œuvre. La maison de la Vierge Marie il l'a vu naître et monter comme par enchantement. Chaque samedi, celui encore qui précéda sa mort, hiver comme été, de Lyon ou d'Ecully on le voyait gravir d'un pas que sa piété rendait plus alerte les pentes de la colline.
" On s'étonnait parfois que dans sa situation, à son âge, étant donné la multiplicité des occupations qui se disputaient ses journées, notre ami ne se donnât pas, je ne dirai pas le luxe, il y a longtemps que ce n'en est plus un, l'aisance d une automobile. Son testament en a donné l'explication : "les legs que je viens de faire, y écrit-il, remplacent l'automobile que j'aurais "pu acheter ".Ainsi, s'il s'était refusé cette commodité, c'était pour faire une part plus large à la charité et trouver du même coup le moyen le plus rapide d'aller au ciel ".

Edouard PAYEN et Fanny PAYEN
Edouard PAYEN ...........Fanny PAYEN née TRESCA ..
1844-1926......................... 1953 -1919

Ennemond PAYEN et Fanny PAYEN

Ennemond PAYEN 
.......Fanny PAYEN née TRESCA ...
1845-1896 ......................1857 -1937

Mon frère ENNEMOND né en 1845, fit ses études à l'institution des Minimes à Lyon, puis ses mathématiques spéciales à la rue des Postes, et fût admis à l'Ecole Centrale de Paris d'où il entra comme ingénieur à Bessèges dans la Cie des Fonderies et Forges de Terrenoire, La Voulte et Bessèges, dont mon père était administrateur. Il y reste peu, a santé ne se trouvant pas très bien du séjour et du travail clans cette usine. La guerre de 1870 arrive et, la levée en masse ne se faisant pas assez vite à son gré, il s'engage le 10 août avec mon frère Charles, mes cousins Saint-Jean Girard et Gaston Payen, au 77 régiment d infanteries.
Envoyés d'abord à Rayonne pour faire leurs classes, ils partent le 1er septembre pour aller renforcer la garnison de Paris, ils sont envoyés au fort de Nogent, ou sur leur demande, ils sont affectes à une escouade d'éclaireurs destinés à renseigner le commandement sur les mouvements de l'ennemi. Ils prennent part, sans dommages pour eux, à quelques escarmouches, puis le 21 décembre leur compagnie est chargée d 'occuper le village du Bourget, elle y parvient, mais le bataillon de mobiles qui devait les soutenir n'étant pas arrivé, le capitaine les fit retrancher dans une ferme en bordure d'une grande rue. Après un temps assez long, les renforts ne venant toujours pas, et les obus de Paris commençant à tomber sur eux, le capitaine commanda la retraite. Mais les Prussiens avaient occupé les maisons en face d'eux et il était sur que les hommes qui tenteraient de regagner Paris seraient tuée les uns après les autres. Mes deux frères et un caporal sortirent les premiers et tombèrent tous les trois, Charles et le caporal pour ne plus se relever. Ennemond frappé d'une balle au côté s'évanouit, main la blessure, amortie par un album de dessins qu'il avait clans sa musette, était sans gravité. Lorsqu'il se réveilla, le capitaine, voyant l'inutilité de sa tentative, avait capitulé et Ennemond avec le reste de sa compagnie fut envoyé en captivité à Minden, en Saxe.
Quand il revint à Lyon, il avait renoncé à sa carrière d'ingénieur, il alla passer avec son cousin Paul Saint-Jean, quelques
mois en Algérie, puis désirant, s'adonner à la peinture pour laquelle il avait un goût prononcé, il se fixa quelques années à Paris, où il étudia dans les ateliers de Monginot et de Bastien Lepage ; il fût reçu comme un fils chez notre excellent cousin Alphonse Payen, qui habitait un très joli hôtel à Passy, avenue Raphaël, 22, et chez notre cousin Etienne Récamier.
Puis il revint à Lyon. Très intelligent et très bien doué, il eut quelque temps l'idée de faire de l'agriculture, étudia pendant deux ans la médecine, tout en continuant la peinture pour laquelle il avait un réel talent. Il avait eu une mention au Salon de Paris, un de ses tableaux était au Musée de Lyon, et Une grande composition représentant la Vierge entourée de St-Blaise et de Ste. Madeleine est dans l'église d'Ecully.

Mon père fit construire pour lui, dans sa propriété, une très pittoresque habitation avec un grand atelier, puis en 1883, il se maria avec une cousine de ma femme, Isabelle Coste, fille d'Eustache Coste et d'Emma Denavit dont il eut cinq enfants; il est mort à Ecully en mai 1896.

Mon frère Charles- est né en 1847, il fit ses études d'abord à l'institution des Minimes, puis sa santé étant assez délicate, il les termina à la maison. Doué d'un physique agréable et d'un très aimable caractère, il semblait destiné à réussir dans le monde. Il se passionnait volontiers pour les grandes et belles causes; c'est ainsi qu'à 20 ans, en 1867, voyant les Etats de l'Eglise envahis par les bandes garibaldiennes, il part pour Rome, et s'engage dans les zouaves pontificaux. Il arriva trop tard pour prendre part aux batailles qui se livrèrent alors, et, à la fin de son engagement de 6 mois, rentra en France décoré de la médaille de Mentena. Il entre alors dans la maison de mon beau-frère Gindre, où il se fait apprécier par son intelligence et son savoir-faire; très bon cavalier, il engage même son cheval " Feu-Follet " sur l'hippodrome de Lyon, sans résultat du reste. Assez mondain, il avait beaucoup de succès dans les salons lyonnais ; puis la guerre éclate, il s'engage comme je ai déjà raconte, avec son frère Ennemond et ses cousins au 77e d'infanterie, et se fait bravement tuer à l'attaque du Bourget, en tentant dans les premiers de sa Cie de sortir, face aux Prussiens, de l'abri où elle s'était réfugiée

Telles fut la belle fin d'un des meilleurs d'entre nous, que ses grandes et aimables qualités semblaient destiner à un brillant avenir. Voici les extraits de quelques-unes des lettres écrites pendant la guerre :
11 août 1870: Mon cher Papa, vous avez dû souffrir, en apprenant les désastreuses nouvelles de la guerre. Nous vous connaissons, nous savons quel est votre patriotisme, et, ne doutant pas de votre consentement, nous nous sommes engagés Ennemond
et moi, comme volontaires pour la durée de la guerre. Nous aurions voulu vous dire adieu et nous sommes désolés de partir sans vous embrasser, nous allons au dépôt du régiment à Bayonne, où pendant quelques jours nous apprendrons l'exercice du chassepôt ; nous espérons partir demain.

Nogent, 4 septembre: Nous sommes maintenant de vrais vieux soldats; voilà 15 jours que nous couchons tout habillés et nous dormons aussi bien que dans nos lits d'Ecully. Quant à nos estomacs cette vie leur convient admirablement. Un jour nous mangeons comme des ogres en prévision du lendemain, où nous n'avons quelquefois que du pain, et je vous jure qu'avec tout cela, nous sommes plus gais que vous ne l'êtes et que nous ne le serions à Lyon... Je ne vous ai pas encore dit, pas plus que dans ma dernière lettre à papa, que nous vous aimions
toujours beaucoup, et pourtant cette idée me poursuit depuis la première ligne, mais vous le savez si bien, à quoi sert de le répéter.
Nogent, 8 septembre: Mon cher Papa, vous me dites que les affaires vont mal, ne vous en tourmentez pas, jusqu'à présent votre fortune flous le permettant, nous avons mené une vie assez large, mais que le besoin s'en fasse sentir, et vous verrez si le courage nous manquera pour nous restreindre, et même gagner notre pain à la sueur de notre front, ceux qui sont réellement a plaindre ce sont ces malheureux comme nous en voyons parmi nos camarades, qui n'ont pour vivre que ce que la générosité du Gouvernement leur accorde, et qui mal vêtus, mal nourris, ne pouvant pas seulement boire du vin, sont exposés a toutes les maladies et à tous les ennuis possibles, vous comprendrez que nous ne pouvons pas rester froids devant cette misère et que notre pain, notre tabac et le reste sont souvent partagés avec les voisins.

Fort de Nogent, 27 octobre: Paris est toujours plein de courage et de confiance dans l'issue de la guerre, nous avons été u plusieurs fois au feu et en sommes toujours revenus sains et saufs. Depuis l'investissement de Paris, on a pris parmi les volontaires qui se trouvent dans les différents corps formant la
garnison du fort une dizaine d'hommes par compagnie avec lesquels on a organisé une compagnie d'enfants perdus ou guetteurs
" qui ont pour mission de reconnaître et de surveiller les avant- postes ennemis, à cet effet chaque nuit une trentaine de ces
hommes, SOUS les ordres d'un officier quittent le fort bien munis de mots et de signes de ralliement et s'en vont aussi loin que possible dans la direction de MM. les Prussiens, nous faisons
partie de ce corps-là et avons par conséquent de fréquentes escarmouches avec nos ennemis intimes, nous avons entendu siffler pas mal de leurs balles et toutes nous ont respectées, il est même assez rare que nous ramenions un homme blessé,
nous sommes très contents de notre métier et maintenant complètement aguerris, nous avons pu aller plusieurs fois à Paris
où nous avons vu Paul Payen, Paul Saint-Jean et tante Gaëtane, religieuse de St-Vincent de Paul.
Par ballon monté, lettre écrite sur la 3° page du Journal lettres journal de Paris, Gazette des absents, 1" novembre 1870:
Mon cher Père, hier nous avons pu aller à Paris où M. Moret nous a offert un dîner au cheval qui nous a fort restaurés et dont nous avions besoin car depuis quelques mois nous n'avions
pu manger que notre ordinaire qui n'est pas somptueux. Ce qui se passe dans notre pays m'étonne plus que je ne saurais le dire. La France inondée de Prussiens et leur permettant de la piller et de la dévaster, mais ne peut-elle donc pas se lever et d'un seul mouvement faire rouler dans la boue cette vermine.
Mon frère Augustin est né en 1848, d'une santé délicate et d'une taille très au-dessous de la moyenne, il avait un caractère timide et craintif, motivé surtout par l'infériorité qu'il croyait devoir résulter pour lui de sa petite taille, après des études aux Minimes d'abord, puis ensuite dans la famille, il entra dans la maison Payen, où après avoir été associé quelques années il épousa en 18... Marie Sabran, fille de Emile Sabran et de Mlle Ponthus-Cinier, qui avait 10 frères ou sœurs. Il est impossible de concevoir deux caractères plus différents que celui d'Augustin et de Marie, lui timide et se défiant de 1ui-même, elle douée d'une vivacité et d'un aplomb incomparables.
Très gaie, elle aimait les premières années de son mariage, aller dans le monde, puis elle tomba gravement malade d'une maladie qu'elle communiqua à son mari qui en mourut en 1892.

   Charles PAYEN    
Charles PAYEN 1847 - 1870

Augustin PAYEN et Marie PAYEN née SABRAN

Augustin PAYEN
....... Marie PAYEN née SABRAN ..
1848 - 1890.................1856 - 1917

Elle-même se remit à peu près. Malgré la différence complète de leurs caractères, leurs 12 années de mariage furent parfaitement heureuses. Après la mort d'Augustin, Marie sembla complètement anéantie, pendant quelques années elle traîna une vie de malade, emportant dans tous ses déplacements, aux eaux ou dans le Midi, le portrait grandeur naturelle de son mari. Puis un beau jour elle eût l'idée de se rendre utile en travaillant au relèvement des jeunes filles condamnées par les tribunaux ou susceptibles de l'être, elle fonda l'œuvre de St-Augustin, pour les recueillir et les orienter vers une vie nouvelle. Au service de cette œuvre elle mit cet esprit d'entreprise, cette absence totale de timidité et ce savoir-faire qui lui permettaient de pénétrer dans tous les milieux et de s'attirer les bonnes grâces aussi bien de notre maire HERRIOT, et du Procureur Général que du Cardinal COULIÉ. Elle mourut au début de la guerre en 1915.
Mon frère OCTAVE - est né en 1853 assez délicat comme mon frère Augustin, il fut toute sa vie obligé de soigner sa santé; quoique plus âgé que moi de près de trois années, nous fûmes élèves ensemble et dans la meilleure intimité; jusqu'à notre mariage nous ne nous sommes pas quittés et nos vies étaient mêlées l'une à l'autre. Nos parents eurent la bonne idée de nous faire faire nos études à la maison en suivant comme externes les cours du lycée, mais, pour surveiller notre travail, ils engagèrent pendant 4 ans, un prêtre qui habitait chez nous, et ne nous quittait guère en dehors des heures de classe, en sorte que nous ne voyions nos parents qu'aux repas. Si ce système semble plus doux que l'internat, il a l'inconvénient d'éviter le frottement, très utile, avec des camarades de tous genres pendant les récréations. Les heures de liberté, nous les passions seuls avec notre abbé, ou nous nous promenions avec Henri et Fernand Saint-Olive qui, étant au lycée dans les mêmes classes que nous, avaient également un abbé chez eux.

En 1870 la guerre éclate, Octave allait entrer en seconde et moi en troisième, Ennemond et Charles s'engagent dans l'infanterie, Augustin, trop malingre, reste à la maison. Les défaites de notre armée se précipitent ; voilà Sedan et le 4 septembre, les Prussiens

envahissent tout l'Est et menacent Dijon, mon père décide d'envoyer en Suisse ma mère, Octave et moi.
Ma sœur Louise enceinte de huit mois, nous accompagne avec ses trois enfants, et nous nous installons vers le 10 septembre à Vevey, dans une grande maison " Chaponeyre " assez primitive mais admirablement située au-dessus de la ville avec une belle vue du lac. La femme de Paul Cottin, qui était capitaine de francs tireurs, et ses trois enfants s'installent avec nous. Mme Paul Cottin, née Marillat, fille d'un conseiller à la cour de Lyon, était une fort aimable personne, aussi posée et froide que son mari était remuant et original. Nous passâmes là quelques mois paisibles, pendant que la France se débattait avec les quelques soldats improvisés qu'elle avait rassemblés pour sauver au moins l'honneur. En décembre, pour être moins exposes au froid terrible cette année-là, nous prîmes pension à l'Hôtel des Trois-Rois. C'est là que nous apprîmes par Ennemond, que Charles avait été blessé et peut-être emmené en Allemagne. Mon père muni de lettres de recommandation, pour certains personnages de Berlin, parcourt les hôpitaux sans succès naturellement. Il était à peine de retour, qu'on reçoit à Lyon une note ainsi conçue : " Charles Payen, prisonnier en Allemagne " et quelques mots en allemand. On nous communique la bonne nouvelle, hélas les mots allemands, qu'on aurait dû faire traduire tout de suite, signifiaient : ( Pas trouvé dans les hôpitaux ". Une fois la guerre finie nous rentrâmes à Lyon et grâce au dévouement de notre cousin Etienne Récamier et du Dr Duringe, le corps de Charles fût retrouvé dans la grande rue où il était tombé.
En 1871 nous rentrons Octave et moi au lycée où nous restâmes deux ans seulement, puis nous finîmes nos dernières années d'études avec un brave professeur excellent homme quoique un peu voltairien, M. Marmoz, et nous atteignîmes ainsi le baccalauréat ès lettres qui se passait alors en une seule fois.
Puis ce fut le départ pour le régiment; le service militaire était depuis 1871 obligatoire, mais moyennant un versement de 1.500 frs l'obligation de suivre des cours et des exercices supplémentaires on pouvait satisfaire à la loi en faisant une seule année. Ayant l'un et l'autre un goût prononcé pour l'équitation, nous nous engageâmes au 8e hussard qui tenait garnison à Fontainebleau; puis le régiment étant désigné pour partir en Algérie, nous acceptâmes de le suivre; malheureusement le séjour que nous y fîmes eut lieu en plein été et Octave ne se trouva pas bien du climat, quoique le colonel ait eu l'intention de nous envoyer à Teniet el Haad où l'altitude rend la chaleur plus supportable qu'ailleurs.

Octave PAYEN et Marie Louise PAYEN née Sauzey

Octave PAYEN ....Marie Louise PAYEN née Sauzey ..
1853 - 1929
...............1861 - 1937
Léon PAYEN Françoise PAYEN
Léon PAYEN .......Françoise PAYEN née Chardiny
1856 - 1945
..............1861 - 1928

Revenus en France en novembre 1875, Octave que mon beau-frère avait fait entrer dans la maison Bonnet, y reprend sa place pendant que j'entrais moi-même dans la maison Payen.
La vie était alors facile et agréable et pour lui comme pour moi la grande distraction était l'équitation, mon père nous ayant acheté un cheval à l'un et à l'autre ; pour Octave cependant cet exercice ne fut pas très favorable. Quoique le temps libre pour le déjeuner lui fut parcimonieusement mesure par la maison Bonnet, il voulut néanmoins en consacrer une partie à l'équitation, ce qui ne contribua pas à améliorer l'état d'un estomac qui n avait jamais été bon. Toute sa vie en effet a été empoisonnée par ses débats avec ce malheureux organe et il fallut toute sa vertu pour que son caractère ne s'en ressentit pas.
En 1883 il épousa Marie-Louise Sauzey, fille de M. Sauzey, vice-Président du Conseil de Préfecture du Rhône, et de Mlle Malachard, M. Sauzey était le type du fonctionnaire du Second Empire assez gourmé, et pénétré de l'importance que lui donnaient ses fonctions. Ce sentiment qui pouvait prêter à la critique pour les gens peu indulgents, avait au moins cet avantage de développer l'esprit de caste préférable à bien des égards au laisser-aller des fonctionnaires du régime actuel. Madame Sauzey, femme très bonne et un peu austère, achevait de faire de cette famille un intérieur solennel.
Octave trouva en sa femme le dévouement et l'esprit de devoir qu'il cherchait avant tout. Elle a toujours été pour lui et pour toute notre famille un modèle de bonté. Quant à lui s'il n'avait pas l'activité pour le bien si exceptionnelle chez mon frère Edouard, il était l'homme vertueux dans toute l'acception du mot. D'une piété profonde, il s'adonnait humblement aux œuvres charitables qui faisaient réellement de lui un religieux dans le monde; témoin cette œuvre des Hospitaliers-Veilleurs où chaque Dimanche il allait raser et peigner les vieux loqueteux en leur faisant l'aumône d'un peu de pain et de lectures pieuses.
Voyant au bout de quelques années qu'il n'avait pas d'avenir dans la maison Bonnet, il s'associe avec deux fabricants MM. Maleval et Masson, qui n'avaient ni l'un ni l'autre les qualités pouvant faire réussir une industrie. Au bout de peu d'années l'association fut dissoute. Octave accepta alors l'offre que lui fit notre excellent ami et ancien camarade de régiment Abel Waldemann de prendre une part dans sa charge d'agent de change. II y resta jusqu'à sa mort entouré de l'amitié constante et si délicate de notre ami et de la considération du personnel de la charge.
Je ne veux pas terminer cette courte notice sur mon excellent frère sans dire la bonté qu'il a toujours montrée à mon égard, et, sans parler des admirables exemples qu'il m'a donnés pendant toute notre jeunesse et qui ne pouvaient moins faire que d influer sur mon caractère moins contemplatif que le sien. Il m'a toujours témoigné la plus fraternelle affection, celle qui ne se traduit pas par des conseils et des remontrances, mais par cette générosité simple et cette absence d'égoïsme dont je suis encore touché et profondément reconnaissant.

Louis et Delphine PAYEN entourés de leurs enfants et petits-enfants sur le perron de la Greysolière, à Ecully en 1878

Goupe Payen

Cyrille COTTIN Octave PAYEN Claude GINDRE Ennemond PAYEN
Delphine COTTIN
Fanny PAYEN Louise COTTIN Delphine PAYEN Louis PAYEN Zoé GINDRE Marie PAYEN Augustin PAYEN
Marie PAYEN Marie COTTIN Marguerite GINDRE
Edouard PAYEN Louis COTTIN Ludovic GINDRE Marie GINDRE Gabriel GINDRE
Paul COTTIN Cyril COTTIN Henry GINDRE Charles GINDRE

Cyrille COTTIN Octave PAYEN Claude GINDRE Ennemond PAYEN
Delphine COTTIN
Fanny PAYEN Louise COTTIN Delphine PAYEN Louis PAYEN Zoé GINDRE Marie PAYEN Augustin PAYEN
Marie PAYEN Marie COTTIN Marguerite GINDRE
Edouard PAYEN Louis COTTIN Ludovic GINDRE Marie GINDRE Gabriel GINDRE
Paul COTTIN Cyril COTTIN Henry GINDRE Charles GINDRE        
Léon PAYEN qui rédigea l'ensemble de ces notes fut le plus jeune et le dernier survivant des enfants de Louis Payen.
Le premier, il avait eu l'idée de cette fête de famille qui aurait réuni pour le centenaire du mariage de ses parents tous les descendants de ses frères et sœurs. Seule, la maladie de sa fille Henriette l 'avait empêché de réaliser ce projet.
Il mourut au début de 1945, âgé de 89 ans, ayant gardé jusqu'au bout une incroyable jeunesse d'allure et d'esprit.
Grand et mince, se tenant très droit, marchant vite, il étonnait les étrangers en leur révélant son âge réel.
Il avait fait son volontariat en Algérie dans les Chasseurs d'Afrique avec son frère Octave: c'était dans son passé une période qu'il aimait à rappeler en l'émaillant de maintes anecdotes pittoresques; il en avait rapporté un goût très vif du cheval et pratiqua avec ferveur l'équitation jusqu'au jour où l'automobile fit son apparition. Il fut dans les premiers lyonnais a en posséder une et son plus grand plaisir fut dès lors de préparer pour lui et sa famille des déplacements à la montagne ou aux bains de mer qui le menaient successivement d'un bout à l'autre de la France. Il soignait avec amour sa voiture qu'il adorait conduire : il conduisait d'ailleurs avec beaucoup d'adresse mais sa fougue juvénile supportait mal d'être " gratté " Pendant la dernière guerre, ayant dû mettre sa voiture à l'abri, il disait, ayant alors 87 ans:
" Ce qui m ennuie, c est que, lorsque l'auto pourra à nouveau circuler, mes enfants ne me permettront plus de conduire !"
Sur le plan professionnel, il continua la carrière de son père comme marchand de soies à la tète de la Maison L. Payen et Cie. Il défendit avec ardeur les intérêts de la sériciculture et de la filature. II fut pendant de nombreuses années Président du Syndicat Général de la Filature qu'il avait contribué à fonder.
Son activité s'étendit largement dans le domaine des œuvres :
l'Enseignement libre, notamment l'Ecole normale de Gerson, Eurent pour lui de constants sujets de préoccupations.
Président pendant près de 30 ans de la conférence St Vincent de Paul de St Polycarpe, paroisse de ses parents, et administrateur d'un des hôpitaux auxiliaires créés pendant la guerre 1914/18, il fut promu Chevalier de St Grégoire le Grand pour son dévouement aux œuvres diocésaines.
Léon Payen avait épousé Françoise CHARDINY d'une vieille, famille lyonnaise dont il eut 5 enfants et qui fit le bonheur de son
foyer. Elle était d'une bonne santé et d'une affabilité reconnue de tous et qui lui valaient d'être choisie pour confidente par ceux qui, à un titre quelconque, recherchaient un conseil ou un appui. Elle mourut prématurément en 1928, victime de l'épidémie de fièvre typhoïde qui décima la banlieue lyonnaise, profondément regretté par toutes les personnes qui avaient eu l'occasion de l'approcher.
Dans leur maison d'Ecully, à laquelle il fallut un jour ajouter une annexe, puis dans la villa qu'ils avaient acquise à Boulouris, Mr et Mme Léon Payen recevaient leurs enfants et leurs nombreux petits-enfants, tous unis autour d'eux dans la plus parfaite atmosphère de concorde et d affection.

Resté seul, Léon Payen sut demeurer le centre de la famille, pour ses enfants et pour ses neveux. Tout autant que son aspect son cœur n'avait pas vieilli,. Il n'était pas de ces vieillards qui se confinent dans leurs souvenirs. il aimait en parler et le faisait avec beaucoup de vie et de charme, ce que l'on vient de lire le prouve. Mais surtout il s'entendait à merveille avec la jeunesse qui le lui rendait bien : ses dernières années, attristées par la défaite française et l'occupation allemande, furent du moins ensoleillées
la venue au monde de ses premiers arrière-petits enfants, auxquels, d'une voix restée juste et ferme, il aimait à chanter ces vieux refrains de Béranger dont il avait déjà charmé deux générations
Avec lui disparaît le dernier descendant immédiat de Louis PAYEN, mais la relève se fait abondante et la postérité de celui qu'on appelait le " petit Payen " ne paraît pas prête de s'éteindre !

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