Essai de BIOGRAPHIE

A mes chers neveux et petits-neveux, pour qui elle est inconnue, je dédie ce travail sur leur
Tante et Grand Tante MARTHE, qui les aurait tant aimé ici-bas si elle avait vécu, et qui, dans la Joie de l'Eternité, les protège…

Marthe est née le 27 Juillet 1897, à St Genis-Laval, prés de Lyon et elle fut baptisée dans l'Eglise paroissiale, le 31 Juillet.

Quelques temps auparavant, ses parents étaient venus chercher là un air plus salubre et un lieu plus paisible que la ville pour élever leurs enfants : votre père et grand-père, Victor, qui avait 7 ans, votre tante Yvonne, 3 ans, et cette petite sœur, qui ne tarda pas à manifester sa personnalité.

Les premiers pas de Marthe se firent dans le jardin attenant à la maison. Mais, en 1900, mon Père, qui était Agent de Change dût , quitter la Charge où il travaillait après de faux rapports d'un cousin sur cette charge ce qui l'obligea à emmener sa famille à la Bridoire, en Savoie, où une situation lui était offerte. Là, ce fut la vie à la campagne, les hivers enneigés, le manque de relations, les difficultés de l'instruction.
Vie austère, surtout pour ma Mère, et qui l'aurait été plus encore si elle n'avait eu auprès d'elle la présence intelligente et dévouée de cette Maria, qui s'était attachée a notre foyer et en partageait toutes les joies et les tristesses.

Il fallut se séparer de Victor et le mettre en pension à Lyon aux Chartreux et se contenter des leçons particulières d'une religieuse sécularisée, après la loi Combes, pour l'instruction des deux filles.
Cette Madame Mélanie était très bonne ; mais son langage trahissait un français qui n'était pas très pur..
Ainsi, lorsque sa petite élève -qui n'avait pas à ce moment le feu sacré de l'étude - disparaissait au moment où elle arrivait à la maison, elle disait en souriant :" Ah! je vois Marthon qui s'encourt !..

Mais, cette période n'a pas été de longue durée et, en 1904, après la faillite de l'Usine de Meubles où mon Père s'occupait de la Comptabilité, on dut reprendre le chemin de Lyon. Cette deuxième épreuve fut adoucie par la joie de retrouver notre famille et surtout nos grand'mères paternelle et maternelle, ainsi qu'une grand tante qui faisait l'office d'une troisième grand'mères, n'ayant jamais eu d'enfants et les aimant beaucoup.

Celle-ci accueillit son neveu, sa nièce et leurs enfants, en attendant qu'ils puissent trouver un logis, dans son appartement de la rue Vaubecour, au-dessus de la voûte d'Ainay- juste en face de la vieille Basilique romane qu'elle désertait l'hiver pour le Midi.

C'est dans cette Eglise abbatiale, témoin du mariage de leurs parents, le 30 Octobre 1889, que Marthe, après Yvonne, fut préparée a sa Première Communion et qu'elle la fit, le 7 Mai 1908, malgré qu'a cette date nous étions déjà installés 36 Quai Gailleton.

Alors commencèrent les études dans un petit Externat tenu par d'anciennes institutrices de Maman, jusqu'au jour où, prenant leur retraite, les demoiselles Mary supprimèrent leur Externat. Marthe, souvent retenue à la maison l'hiver, suivit seulement des Cours; mais sa véritable culture fut faite plus tard par l'étude personnelle entreprise au jour où elle désira elle-même développer son intelligence et toutes ses facultés.

La philosophie, la littérature l'intéressèrent particulièrement et même la théologie, dont elle suivit des leçons aux Facultés Catholiques.

Tris douée pour le dessin, comme sa Mère, très douée aussi pour la musique, comme son Père, elle étudia l'un et l'autre art et y réussit facilement. Que de croquis sortis de sa plume et de son imagination ! qui servirent à des programmes de réunions noëlistes et au Bulletin paroissial de St Pothin (demandés par Mr l'Abbé Perret, qui mettait souvent Marthe à contribution et lui aida aussi beaucoup a perfectionner son talent de poëte et d'écrivain, car il était lui-même très artiste).

5 ou 6 mois de l'année se passaient à Francheville, à la " Bourdine", chez Tante de St Jean, qui louait cette habitation a son amie Madame Reyre.
Marthe aimait beaucoup cette veille et inconfortable maison, située dans un parc magnifique, a l'orée d'un bois où coulait l'Yzeron.
Le bon air des lieux lui redonnait des
forces usées par une croissance trop hâtive..

C'est la que Victor venait prendre ses vacances, en chassant à la carabine ou en faisant de la photographie.
C'était un temps heureux de réunion familiale.

Puis, en 1914, ce fut la guerre, le départ de Victor pour le front, après un accident de cheval à Saumur, qui l'obligea à retarder ce départ (circonstance sans doute providentielle, car son régiment, le 11 éme Dragons, fut décimé dans le Nord dés les premier jours...)

Période d'angoisses et de tristesses, très vivement ressentie par Marthe, qui priait avec ardeur pour notre soldat, en attendant des nouvelles toujours trop lentes à venir malgré qu'il ait été le plus souvent en première ligne, dans les tranchées de Champagne avec ses hommes, notre Sous-Lieutenant revint sans blessures, seulement avec une éraflure.

Mais, notre Oncle Méhu, Comt au 29 ème d'Infanterie, fut tué à la tête de son bataillon, le 6 Octobre 1914, prés d'Apremont (Meuse), où il est enseveli.
Ce décès, appris aussitôt, peina beaucoup
toute notre famille où il était très aimé et le boute-en-train de ses réunions.

C'était le second deuil, après la mort de Bonne-Maman Nicolas la mère de Maman, qui fut rappelée à Dieu, après une pénible maladie le 11 Avril 1909.
" Bonne-Maman" portait bien son nom et aimait
beaucoup ses petits-enfants ; elle n'en eût que 5, puisque ses fils les Méhu et Chavassieux n'en eurent qu'un chacune : Jo Méhu et Madeleine Chavassieux, devenue Madame Aimé Garcin.

Six ans après, le 15 Mai 1915, notre Grand'Mère Giraud la rejoignait dans l'Eternité, à 80 ans, à Brignais, où elle s'était installée complétement dans sa propriété familiale, avec Tante Mathilde et Oncle Léon.

Celle-ci était une femme pleine d'esprit, très musicienne, qui aimait a recevoir et animer un salon, tout en étant une excellente maitresse de maison.

Fille toute dévouée à sa mère, tante Mathilde ne lui survécu 2 ans à peine ; c'était une âme très élevée dans un corps
fragile et Marthe, qui l'avait bien comprise, nous la fait revive dans un court poème intitulé " Souvenance".

En 1819, ce fut la mort de Tante de St Jean, à Fourvière, dans la Pension de Jésus-Marie, où elle s'était retirée avec sa fidèle Antoinette. Que de visites à notre Grand 'Tante, surtout dernière année, alors que l'âge et la maladie l'immobilisèrent !
Elle avait été si bonne pour nous que son départ nous laissait dans la peine.

Depuis 1923 et jusqu'en 1927, Marthe alla passer un mois ou deux à la Louvesc, à la Maison St Régis qui, à ce moment là acceptait des pensionnaires. L'air vif et pur de ce pays de sapins, l'altitude dont elle avait besoin lui redonnaient des forces en de l'hiver.

Moralement aussi, elle se trouvait à l'aise dans ce Couvent du Cénacle où elle se lia d'amitié avec une jeune religieuse bel Mère Hirsch, à laquelle elle écrivit pendant plusieurs années.
Mais la famille lui Manquait ; elle en épousait, de loin comme de prés, toutes les joies et toutes les peines… aussi, ce fut pour elle une réelle épreuve que de ne pas être à la maison au moment de la mort de notre Oncle Léon, le 8 Août 1923, le frère de mon père, resté seul à Brignais avec une servante, après la mort de Tante Mathilde et qui était son parrain.

Cette mort devait être pour tous une grande et double épreuve -surtout pour mon Père, car, par testament, son frère le dépossédait ( en faveur de la fille d'une cousine germaine de Paris, qui: habitait Dinan) de la propriété des " Pérouses", laquelle, durant plusieurs générations, pour ne pas dire plus de 2 siècles  avait été témoin de la vie de nos ancêtres… De plus, par son parc et ses terrains avoisinants, ce domaine formait un bien important.

Il faut expliquer cet acte - et c'est ainsi que Marthe l't'expliquait par l'état d*infirmité de notre Oncle qui, tout jeune avait eu une coxalgie et marchait avec deux cannes, puis par la maladie qui l'emportait à 50 ans. Son caractère s'était aigri en voyant son frère marié et père de famille, tandis que lui restait sans foyer..
Dieu seul peut le juger et nous lui pardonnons ; mais sur le moment le choc fut rude et Marthe le ressentit très vivement loin de nous et devinant la peine de chacun.

Marthe était très sociable, sympathique à tous ceux qui l'approchaient ; sa vie spirituelle, qui était très intense, ne l'empêchait nullement, au contraire, d'être gaie, enjouée, pleine d'humeur.

Elle avait des amitiés profondes, celles de jeunes étudiante pour lesquelles elle était un véritable appui, des relations venu par le journal " Le Noël", qui était aussi un Mouvement auquel el participa, non seulement par les travaux littéraires de la " Petite Académie ", mais en collaborant à l'organisation des Réunions, de amitiés nées des contacts de la Louvesce.

Puis, bien sûr, elle aimait aussi les relations familiales, toutes celles qui lui venaient par les amitiés de plusieurs générations. Je me souviens de réunions amicales avec des filles des amies de Maman, ou compagnes de Cours, durant lesquelles on faisait de la musique ; plusieurs avaient de belles voix et chantaient.

Toutes appréciaient ce genre de réceptions et si les conversations allaient leur train aussi, entre les morceaux, Marthe savait les animer.. De plus, elle avait quelques succès aux matinées dansantes de l'époque, où nous étions invitées.

En 1921, la Faculté ayant conseillé les eaux d'Allevard-les-Bains, un appartement fut loué et toute la maisonnée, sauf Victor
( à Fitou, dans l'Aude à ce moment) s'y transplanta durant un moi.


Le pays était beau, Marthe y fit quelques aquarelles et sa muse y fut inspirée durant ses promenades, par un jeune muletier.

Elle aimait la marche ; aussi, autant que ses forces le lui permettaient, elle partait, la canne à la main, accompagnée par Maria, robuste savoyarde, dont le grand bonheur était de fouler tous les chemins, surtout les plus agrestes.

Et voila le 14 Septembre 1926, le mariage de Victor avec Geneviève Payen. Jour de joie après les jours d'épreuves…

C'est en l'Eglise St François de Sales qu'eut lieu la cérémonie, aux accents de la Marche Nuptiale, que mon Père avait composé pour son propre mariage.

Ce fut pour Marthe l'une des dernières joie terrestres ; elle aimait beaucoup son frère et désirait vivement lui voir fonder un foyer. Celui que la Providence lui donnait de bâtir était solide et s'enrichit, comme vous le savez… de 7 enfants ; mais hélas ! Marthe n'eût pas la satisfaction de connaitre ses neveux, Dieu
l'ayant rappelée 5 mois avant la naissance de Marie-Jo. Cependant elle eût celle d'apprendre, a la veille de sa mort, qu'un enfant était attendu et s'en est beaucoup réjouie.

Durant l' été 1928, Marthe alla passer un mois à Vallorcine, Hte Savoie ; elle en revint avec une santé renouvelée, ce qui lui permettait d'espérer une vie plus active et donnée aux autres.» Mais le don qu'elle désirait fut autre ; le Seigneur jugeant qu'elle avait atteint le degré d'amour qu'il avait fixé pour elle, allait l'appeler dans sa Gloire, le 28 Décembre suivant, non sans l'avoir purifiée par 5 semaines d'une douloureuse maladie ( la fièvre typride , qui était a l'état épidémique dans la banlieue lyonnaise).

Du fait de cette épidémie, impossible de trouver une infirmière pour soigner notre malade. Il fallut les efforts de tous, et particulièrement de Maria, qui avait demandé à passer les nuits.

Enfin, les tout derniers jours, nous eûmes la présence de notre amie, Jeanne Pétouraud, infirmière diplômée, venue pour nous soulager.

Que dire de plus de ces instants d'ultime épreuve ! de cette lutte contre un mal implacable, des espoirs, puis de l'évidente réalité !

Marthe réagissait de son mieux, mais acceptait a l'avance l'insue de sa maladie.
Quand toute illusion fut impossible, elle reçu le Sacrement des Malades, le 27 Décembre, puis, le même jour, la
visite du Père Périer O.P., son directeur spirituel, qui lui donna l'absolution. Elle commençait a entrer dans le coma, mais celui eut la conviction quelle le reconnaissait et l'entendait quand même..
C'est lui qui, après la mort de Marthe, nous disait avoir certitude que son âme était entrée au Ciel directement. Ce fut meilleure des consolations …

Il faut noter là l'attitude admirable de nos parents qui, s'oubliant eux-mêmes en contemplant le bonheur de leur élue, cherchait a vivre encore pour les enfants qui leur restaient.

Je me souviendrai toujours de la réflexion que Maman a faite une personne amie, devant le cercueil de sa fille :
" Marthe était une chrétienne parfaite ", puis " C'est contre-nature de perdre son enfant !"

La naissance de Marie-Jo, le 15 Mai suivant, fut un joyeux dérivatif, et celles qui suivirent aussi.
Les heureux grand-parent qui sont morts la même année, l'un le mardi de Pâques 1936,l'autre le 6 Octobre 1936,
ne connurent hélas!, ni Marthe, ni Michel.

Mais, ils allaient retrouver leur fille, et prés d'elle, suivre d'un regard surnaturel toute leur lignée…