LES PAYEN

UNE FAMILLE DE SOYEUX

ET D' ENTREPRENEURS LYONNAIS


Le dévidage des soies teintes,
planche de
l’ Encyclopédie,
musée des
Arts décoratifs,Paris
Famille de soyeux
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La famille Payen abordée aujourd'hui, qui a donné à travers les siècles, des générations d'entrepreneurs, d'industriels, inventeurs... est originaire de Paris. C'est du moins là que l'on trouve au début du XVlle siècle les deux frères, Claude et François, qui allaient donner naissance aux deux grandes branches.

CLAUDE, ANCETRE DU CHIMISTE ANSELME PAYEN

Claude, l'aîné, époux d'une demoiselle Fausset de Nanteuil, compte parmi ses petits-fils Jean-Baptiste-Pierre Payen. Celui-ci était avocat au Parlement, conseiller du roi, substitut du procureur de Sa Majesté au Châtelet de Paris, et habitait le cloître de la paroisse Saint-Merry avant 1789. Arrive la Révolution. Jean-Baptiste-Pierre Payen établit alors à Vaugirard une importante fabrique de sucre de betteraves. Industriel inventif, il dépose en 1816 un certificat de brevet d'invention pour des appareils destinés à calciner les matières animales et les résidus du bleu de Prusse, et à les convertir en charbon. Son fils Anselme, le futur chimiste né à Paris le 6 janvier 1795, aurait pu entrer à l'Ecole polytechnique, où il avait été admis, mais son père préféra le garder auprès de lui et l'associer à ses travaux. Il resta donc à Paris et épousa Zélie-Charlotte-Mélanie THOMAS en 1821.

Resté seul à la tête de l'usine en 1825, Anselme Payen y introduisit de nouveaux procédés et de nouveaux produits. Il commença à se faire connaître comme rapporteur du jury appelé en 1827 à se prononcer sur l'état de l'industrie française. En 1831, Louis-Philippe le fit chevalier de la Légion d'honneur. En 1835, il suppléa M. Dumas dans son cours de chimie appliquée aux arts de l'agriculture et devint titulaire de ce poste l'année suivante, poste qu'il conserva jusqu'en 1871. Il devint ensuite professeur à l'Ecole des arts et manufactures, puis au Conservatoire des arts et métiers jusqu'à sa mort en 1871. En 1842, il devint membre de la section d'économie rurale de l'Académie des sciences et commença dès lors à appartenir à de multiples commissions scientifiques et industrielles. Il reçut la croix de commandeur en 1863. Il fut le président du jury de l'exposition universelle de 1867.

Agé, il supporta mal les épreuves u siège de Paris par les Prussiens en 1871 et mourut le 12 mai 1871. Une rue du XVe arrondissement porte aujourd'hui son nom, pas très loin de l'endroit où s'élevait la fabrique.
Citons parmi ses principaux ouvrages : Traité élémentaire des réactifs (1 822), La Chimie
enseignée en 22 leçons (1825) ; Traité de la fabrication des diverses sortes de bières
(1 829), Cours de chimie élémentaire et industrielle (1830 - 1831, deux volumes),
Cours de chimie appliquée (1847), etc. Payen a encore publié de nombreux mémoires
dans des recueils spéciaux et des rapports dans les comptes rendus
de l'Académie des sciences. Il a découvert et analysé la cellulose et les enzymes (avec Persoz).

FRANÇOIS PAYEN, AUTEUR D' UNE DYNASTIE DE SOYEUX

François Payen, frère de Claude, était marchand de soie et bourgeois de Paris. Il épousa vers 1725 Marguerite Hubault qui lui donna deux fils, François, né vers 1726, et Jean-François, né en 1728, qui tous deux, épouseront des demoiselles Palyart, filles d'Honoré, conseiller et secrétaire du roi près le Parlement de Flandre, et de Jeanne Cattu.
François Payen, reprend le métier paternel de marchand de soie, qu'il exerce rue Saint-Denis, paroisse Saint-Eustache, à Paris. Il épousa en janvier 1760 Anne-Marie-Jeanne Palyart. La tradition professionnelle sera poursuivie malgré les difficultés économiques (voir ci-dessous), puisque son petit-fils Alphonse, nommé en 1867 chevalier de la Légion d'honneur, sera alors déclaré "négociant en tissus de soie à Paris". Alphonse sera le père de Louis, époux en 1876 de sa cousine Gabrielle Payen (1857-1924), dont il aura trois filles : Marie, épouse du comte de Brie; Yvonne, mariée au comte Antoine Baconnières de Salverte ; Lucienne, mariée à Paris à Aymar, marquis du Crozet.

Jean-François Payen, dit Payen d'Orville, le fils cadet de François Payen et de Marguerite Hubault, naquit à Paris en 1728. Lui aussi marchand de soie, il s'installa à Lyon puis à Paris (rue Tiquetonne, paroisse Saint-Eustache), en s'associant, sous la raison sociale "Payen Frères", avec son frère aîné resté à Paris. Ils travaillaient ainsi tous deux comme des commissionnaires en soieries, achetant à Lyon des tissus qu'ils revendaient principalement sur Paris. Mais en 1787, à la suite de revers de fortune, les deux frères se trouvèrent ruinés. François conserva ce qui restait de l'activité de négoce en soieries, tandis que Jean-François trouvait une situation modeste de receveur du timbre à Mende, avant de renouer avec le métier paternel et de s'installer. "Vous verrez que nous avons eu le malheur de faire mal nos affaires, écrivait-il le 16 floréal an VI, et que nous nous sommes retirés avec bien peu de choses qui ne font pas le montant de la dot de ma femme. Nous avons abandonné tout le reste à nos créanciers. C'est le chagrin qui a fait périr mon frère. Pour moi, i'ai pris le dessus et mieux aimé prendre un emploi pour pouvoir vivre et n'être à la charge de personne.

Il avait épousé en janvier 1761 Catherine Palyart. C'est vers cette époque que Jean-François Payen fait ajouter à son nom celui d'Orville. Après le décès de Catherine Paylart à Lyon en 1800, Jean François, malgré son grand âge, se remaria avec une veuve Brunet. Il mourut peu de temps après, en 1804. Il avait eu quatre enfants. Trois n'eurent pas de descendance : Arsène, tué par l'ennemi à Wissembourg le 13 octobre 1793 ; Ambroise, employé à la Trésorerie générale de Montbrison et célibataire, et Auguste, marié à Jeanne Nègre, sans postérité.

JEAN PAYEN, COMMISSIONNAIRE EN SOIERIES


Jean Payen, fils de Jean-François et de Catherine Palyart, naquit à Paris le 25 novembre 1761. Il quitta Mende pour Lyon en 1783, attiré là par un parent de sa mère, Palyart de L'Épinois. Il entra tout d'abord dans la maison d'un important fabricant de soieries, puis s'associa en 1793 à Maupetit pour un commerce de commissionnaire en soieries.

Ses relations avec Palyart de L'Épinois, apparenté aux familles lyonnaises les plus notables, l'autorisèrent à demander en 1802 la main de Louise Delphin (1781-1864), de vingt ans plus jeune que lui, fille de Claude-Antoine, négociant à Lyon, et d' Éléonore Récamier. "J'aurais eu bien de la peine à l'épouser ne le connaissant pas, écrit la future à l'un de ses oncles pour annoncer ses fiançailles, mais d'après la confiance que mes parents ont en M. Ménard qui a eu la bonté de prendre toutes les précautions nécessaires pour s'assurer que M. Payen avait toutes les qualités propres à faire mon bonheur, je m'en suis rapportée à eux, persuadée que je ne peux mieux faire que de m'abandonner à leur décision." Le mariage eut lieu vers XXXX. Le commerce de soieries de Jean Payen s'étendit fort loin: Russie, Allemagne, Espagne... Mais après de grosses pertes en Russie en 1812,il voulut se développer en s'associant à un entrepreneur nommé Jacquemot, qui construisait des maisons pour les vendre ensuite avec bénéfice. Il commit l'erreur de se porter caution pour les prêts accordés à cet associé - et la chute des entreprises Jacquemot entraîna la sienne en 1827. Une nouvelle société fut fondée en 1839, sous la raison sociale "L. Payen & Cie" entre Charles, un fils de Jean qui était parti à New-York y monter un bureau, et Christophe, frère de Balthazard Puy.

Jean Payen mourut à Lyon en 1846.

Il avait sept enfants: Jean, né en 1803, mort au Vénézuela en 1856, marié là-bas où il eut trois enfants ; Emmerentienne-Nicole (Emma), née le 10 septembre 1807, morte en 1893, mariée à Balthazard Puy; Philiberte-Amélie, née à Lyon le 13 janvier 1810, morte en 1889, sans alliance ; Alexandrine, religieuse de Saint-Vincent de Paul, née en 1813, morte en 1902; Gaëtane, religieuse de Saint-Vincent de Paul, née en 1817 morte en 1899 ; et deux fils qui devinrent négociants en soieries : Louis-Antoine, né en 1805 et Jean-Charles, né le 3 février 1816.

CHARLES PAYEN, UN SOYEUX LYONNAIS À NEW YORK

Jean-Charles, dit Charles, Payen fut retiré en 1835 du collège de Monistrol où il achevait ses études sous les Pères de la Foi et embarqué pour New-York où il entra chez le correspondant de son beau-frère Balthazard Puy, M. Calmart. C'est Charles Payen qui monta avec un associé la nouvelle société.
"L. Payen & Cie" en 1839. Il resta de nombreuses années en Amérique et sut y faire prospérer l'entreprise. Il revint comme négociant à Lyon, lorsque la guerre de Sécession rendit les affaires plus difficiles. A Lyon, il fut membre de la Chambre de commerce et administrateur de la Banque de France. Il mourut en 1910. Il avait épousé à Lyon le 25 août 1849 Jeanne-Emilie Roussel, fille d'Alphonse-Sylvestre, docteur en médecine, et de Pauline-Marie-Claire Saint Olive, qui lui donna huit enfants (voir tableau généalogique).

LOUIS PAYEN, UNE TRADITION POURSUIVIE

Louis-Antoine Payen, le fils aîné de Jean, avait repris la direction de l'entreprise familiale après les difficultés financières de son père et en poursuivit l'activité jusqu'en 1839, date à laquelle fut créée - la nouvelle maison "L. Payen & Cie"-, dans laquelle il fut partie prenante. Il épousa le 21 mars 1838 à Lyon, Pierrette-Adrienne-Delphine Belmont, fille d'un important fabricant de soieries de la ville,
Jean Nicolas BELMONT et d' Anne-Marie-Étiennette TERRET. Il mourut en 1893.

Ses nombreux enfants sont restés liés au métier d'origine:
- Louise, la fille aînée, née à Lyon le 24 janvier 1841, épousa en 1863 Cyrille Cottin. Celui-ci était le petit-fils de Claude-joseph Bonnet, fondateur d'une des plus grandes fabriques de soieries, et qui avait été l'un des premiers en France à construire une très importante usine de filature, moulinage et tissage de soie;
- Zoé, la seconde, née en 1843, épousa en 1866 Claude Gindre, fabricant de soieries et homme d'affaires habile qui sus faire de l'entreprise que lui avait légué son père l'une des premières de Lyon;
-Édouard, né le 24 mai 1844, partit en 1862 en Angleterre, puis se forma dans la fabrique de Claude-
-joseph Bonnet avant d'entrer à son tour dans la maison "L. Payen & Cie". La décision ayant été prise de s'approvisionner en soieries en Asie et de monter une usine au Bengale, c'est Édouard qui fut envoyé de 1869 à 1872 pour la diriger. D'autres filatures furent ensuite montées en France, en Italie, en Espagne... et la maison Payen devint ainsi l'une des plus importantes firmes productrices de soies en Europe. Édouard fut également membre de la Chambre de commerce de Lyon, conseiller municipal d'Ecully, vice-consul du Brésil à Lyon. Il mourut en 1926 à Lyon. Il avait épousé dans cette même ville le 10 février 1874 Marguerite-Françoise Tresca, dont il eut six filles et un fils;
- Ennemond, né à Lyon le 18 octobre 1845, mort à Écully le 15 mai 1896, entra à l'École centrale dont il sortit ingénieur (promotion 1867). Il commença une carrière dans la Cie des Fonderies et Forges de Terrenoire. Arrive la guerre de 1870. Il se porta volontaire, vit son frère Charles-Marie tué à ses côtés et fut fait prisonnier.

À son retour, il renonça à la sidérurgie pour se consacrer à la peinture. Élève de Monginot et de Bastien-Lepage, il débuta au salon de 1878. Le musée de Lyon conserve de lui : Le mariage mystique in extremis. Il a épousé à Lyon le 10 juillet 1883 Isabelle Coste, fille d'Eustache, marchand de soie, et d'Emma Denavit, dont il eut cinq enfants ;

- Charles-Marie, né en 1847, s'engagea à vingt ans dans les zouaves pontificaux et fut décoré de la
Médaille de Montana. Lors de la guerre franco-prussienne, il fut tué à l'ennemi au Bourget le 21 décembre 1870;
- Augustin, né à Lyon en 1848, décédé en 1892, marié à Marie Sabran qui fonda l'œuvre  de Saint-Augustin. Soyeux à son tour, il entra dans l'entreprise familiale "L. Payen & Cie";
- Léon, né en 1856, fut lui aussi marchand de soie et prit la direction de la maison "L. Payen & Cie". Il défendit les intérêts de la sériciculture et de la filature à travers le syndicat général de la filature qu'il avait contribué à créer et dont il fut de nombreuses années président. Il fut nommé chevalier de Saint-Grégoire-le Grand pour sa participation active aux oeuvres diocésaines. Il épousa le 24 mai à Lyon, fut industriel fabricant de soieries en 1881 Françoise-Claudine-Marie Chardiny, fille de Jean-Louis, fabricant de soieries, et de Jeanne-Marie-Annette Coste, il eut neuf enfants ;
- Octave.
- Octave Payen, né à Lyon le 4 mai 1853, fils de, Louis-Antoine devint à son tour négociant en soieries à Lyon et entra dans la maison Bonnet. En 1883, il épousa Louise-Marie Sauzey, fille de François Sauzey, président du conseil de préfecture du Rhône, chevalier de la Légion d'honneur, et d'Élodie Malachard. Octave quitta finalement l'entreprise Bonnet pour tenter de monter quelque temps la sienne propre avant de s'établir finalement comme agent de change. Deux de ses fils, Louis et Pierre, sont morts pour la France au cours de la Première Guerre mondiale. Les deux autres fils, Henri et Ennemond, furent à leur tour soyeux:
- Henri Payen, né en 1894, mort en 1933, épousa à Lyon en 1920 Marie-Antoinette Frachon, fille de Camille, négociant en soie, et de Marguerite Dupasquier, dont il eut cinq enfants ;

Ennemond Payen, né en 1898 à Lyon, fut industriel fabricant de soieries à Saint-Julien-Molin-Molette (Loire). Époux de Marie-Antoinette Gillier, il eut neuf enfants. Le fils aîné, André, ingénieur de l'École Centrale (promotion 1950) fera carrière à Rhône-Poulenc Ingéniérie.

Ses frères Régis et Yves seront également ingénieurs ; un autre, Emmanuel, deviendra prêtre à Lyon. Un seul fils, Georges, sera industriel soyeux à Lyon : il poursuivra ainsi une tradition de près de trois siècles.

Sources :
Remerciements à François Payen, Paul Feuga, Baptiste Levoir et Isabelle Roy, auteurs d'un ouvrage à paraître et qui ont communiqué toutes les informations nécessaires à cet article ; Notes sur la famille Payen, recueillies en 1936 par Léon Payen, Lyon 1946 ; André Delavenne, Recueil généalogique de la bourgeoisie ancienne, Paris, 1955 ; Bénézit, Dictionnaire critique et documentaire des peintres, sculpteurs, dessinateurs et graveurs, Gründ, 1976 ; Philippe Bethenod, La famille Bethenod, Lyon, 1966 ; BL et AN, Minutier des notaires, cote XXVII-496 (Jean-Baptiste-Pierre Payen) ; Dr Hoeffer, Nouvelle Biographie générale, Firmin Didot Frères, Paris, 1857 ; Application Léonore, cote L 2075, dr 014.

Famille_de_soyeux
Premier métier Jacquard, on voit bien la chaîne cartonnée de Falcon

Famille_de_soyeux
Tisseuse au travail (début du XXe siècle).
La mécanisation a conservé le principe
du Jacquart croisement 
des fils de chaîne
et des fils de trame.
Le Quartier de Saint NIZIER: Centre du commerce de la Ville de LYON datant de 1545-1553, Bibilothèque municipale de Lyon.
Quartier de Saint NIZIER